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les oeuvres sont en réserve

L’exposition HEM HEM novembre 17, 2012

  HEM HEM !

Exposition à l’Espace Vallès – St-Martin-d’Hères-38
septembre-octobre 2012 – conférence-performance le 14 octobre //JAC de Grenoble 2012
L’expérience « ‘L’inévitable clairière » sera menée du 21 juin au 13 octobre, date de sa clôture.
Une vidéo sera tournée en cette occasion.


Hem hem est un raclement de gorge.
Ce mot qui vient de hem (onomatopée), signifie raclement de gorge. Ce geste a pour but de débarrasser le pharynx des mucosités (sécrétions de liquide épais et glaireux ) qui l’encombrent. Le pharynx est le conduit musculaire et membraneux allant de la bouche à l’œsophage, carrefour par lequel les fosses nasales et le larynx sont en communication. C’est la zone de la déglutition (avaler quelque chose) et de la respiration.

Pensant au conduit même, on ajoutera à cet angle d’accroche, l’étymologie du mot gargouille : ancien français gargoule, gorge, du radical onomatopéique garg-, gorge, et goule, gueule)
“Après bien d’autres, j’ai répété que Gargantua empruntait son nom à la racine Garg, la gorge onomatopéique” (Réf : Gaignebet Claude, Rabelais-le Tiers Livre et le jeu de l’oie)

*Avoir un chat dans la gorge : être enroué. A la fin du XIe siècle, le mot « maton » désignait le lait caillé. Il fut ensuite utilisé pour tous types d’amas ou de grumeaux, mais également pour dire « chat ».

*Rire à gorge déployée est apparue au XVIe siècle et signifie que l’on rit très fort. On employait au XIVe siècle des expressions similaires : « rire à gorge rompue » et « rire à gorge estendue ».

*Coupe-gorge, nom masculin : espèce de goulot d’étranglement !
Sens  Endroit, passage où l’on risque de se faire attaquer et dépouiller.

La vie,  considérée en analogie avec cette gorge, c’est-à-dire comme un tuyau dans lequel passeront de multiples réalités naturelles ou culturelles, avalées ou vomies, absorbées ou régurgitées dans le sens le plus « organique ». Il faut dire que la gorge donne accès à notre intériorité corporelle et psychique, donc à des mondes assez inconnus de nous–mêmes. 2411 ans après la mort de celui qui nous a laissé méditer le célèbre « Connais-toi toi-même »

Maurin et La Spesa sont persuadés et l’ont prouvé par leur passé artistique, que tous les efforts doivent être concentrés sur l’évacuation.  Quels efforts ? demanderont ceux qui ont le privilège de vivre sans mélancolie, de ceux qui sans états d’âmes ont le désir de toujours entrer quand d’autres se débattent comme des forcenés à vouloir toujours sortir ?

L’âme est un souffle, un souffle qui ne passe plus lorsque les orifices du haut (gorge) et du bas (anus) sont obstrués : il faut alors que Saint-Blaise/Gargantua donne sa protection aux hâbleurs et aux péteurs, afin que ce qui était retenu s’échappe librement, mots de gueule et pets ou vesses. Si la matière passe (quel malheur d’être bouché !) la condition de sa circulation en est ce « vent » qu’est l’âme elle-même, mais dont les garants des spiritualités nobles, c’est-à-dire dualistes, ont toujours nié l’origine « basse ».
Emmanuel Latreille pour l’exposition au FRAC LR – La dégelée Rabelais – 2008

 

Exposition HEM HEM

Petite métaphysique empaillée

Avec quelques sculptures animalières, empaillées et néanmoins parlantes, Maurin et La Spesa investissent l’Espace Vallès. Une autruche au gosier dédoublé, clou du spectacle, offre au public le vertige possible d’une pensée pratique : tout ce qui nous reste en travers de la gorge, l’art peut-il l’évacuer ? Et si oui, comment ?

Maurin et La Spesa. Comme on dirait Tintin et Milou ou Gilbert et Georges… En l’occurrence
un homme et une femme, deux inséparables, un nom compacté, une mythologie en marche.
Depuis quelques années, Maurin et La Spesa ont hissé leurs patronymes accolés au rang de signature infalsifiable, voire de marque, n’hésitant pas à arborer à l’occasion un logo “M&LS“ assez pimpant. Au sein de cette multinationale bicéphale -à l’image de son autruche naturalisée- il est difficile de discerner qui fait quoi, qui décide, qui a le dernier mot. Modeler, peindre, parler, filmer… Il est sûr en revanche que M&LS produit une gamme d’objets de consommation esthétique étendue, et paie de sa personne, se mettant en scène à l’occasion dans une autofiction parfois acrobatique. Il est établi également que le duo aime la langue, ses jeux subtils, et se réfère à ceux qui l’honorent, aux écrivains, aux philosophes, Socrate, Rabelais, Shakespeare, excusez du peu. Il est constant enfin que M&LS pratique l’humour comme une sorte d’éthique allégée. Au début « par modestie », pirouette polie de ceux qui n’ont ni réseau ni « assurance de diplômés ». Ne pas se prendre trop au sérieux, ce qui ne veut pas dire n’avoir rien à dire. Ni se défendre de lorgner du côté des artistes, des mouvements, de l’iconolâtrie contemporaine, de l’institution, et d’y poser l’air de rien son regard critique. Mais chez M&LS le coup d’œil vire très vite au clin d’œil, histoire de ne pas s’appesantir. Viallat a son haricot, ils auront leur patate verte*. Quant à l’autruche de Maurizio Cattelan, ils lui sortent crânement la tête du sol et lui tressent un double cou, déplaçant le nœud du problème. Le nœud, parlons-en. Plus qu’une croisée ou un carrefour : un giratoire conceptuel, « un tuyau dans lequel passeront de multiples réalités naturelles ou culturelles, avalées ou vomies, absorbées ou régurgitées ». Tout ce qui bouche, obstrue, gêne le souffle, ce qu’il nous faut avaler, ce qui ne passe pas… Cette autruche en a donc vu passer, et a des choses à dire, sans doute peut-elle aider symboliquement à un formidable raclement de gorge, histoire d’évacuer les humeurs noires. Fort de son précédent combat contre la gravité**, M&LS est aujourd’hui en croisade drolatique contre la mélancolie. Une métaphysique empaillée que le père de Gargantua n’eût pas désavouée.

Danielle Maurel, septembre 2012

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L’inévitable clairière novembre 11, 2012

Expérience botanique « Indoor » en système hydroponique, billes d’argile, humus, ventilation, 2 lampes 250 W, 18 pots, …

Graines toxiques, une dizaine. Liste ici, dans l’un des visuels de la galerie d’images de l’exposition HEM HEM.

Une surveillance de 3 mois, et puis cueillette, écrasée en mortier-pilon, macération glycérine, filtrage et récolte du jus toxique, mis en fioles de porcelaine. Un petit film à l’Espace Vallès tourné le 13 octobre.


La ciguë, est associée à Socrate, condamné à boire un mélange de jus de ciguë, de laudanum (appelé aussi teinture d’opium safranée) et de vin – la mort «douce» réservée aux criminels privilégiés.

Propos recueillis : « Les herbes utilisées par les sorcières et les botanistes de l’ancien temps sont toujours employées par les pharmacologues et les magiciens d’aujourd’hui. Les plus célèbres des herbes de sorcières, la mandragore, la jusquiame, le capuchon-de-moine (aconit), la ciguë, l’herbe aux sorciers (datura stramoine) et la belladone – toutes, curieusement mènent une double vie. Souvent, poisons mortels à haute dose, elles se transforment en médicaments ou philtres d’amour quand on les prend en petite quantité ou en application externe. (…) »

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