maurin_et_la_spesa

les oeuvres sont en réserve

Comment affiner le contrôle janvier 9, 2010


Photomontage édité sur le journal-programme des 4.21 (Artelinea-Musée du Point de vue) de juin 2006 //Edité sur la revue ce qui secret en mai 2009

Comment affiner le contrôle du système postural afin de réguler son équilibre ?

Durant la genèse de leur association artistique, Maurin et La Spesa ont eu très tôt l’intuition qu’il leur fallait créer avant tout un système postural hors norme, afin d’appréhender le phénomène physique incontournable de la pesanteur, et de débarrasser leur cerveau des contingences corporelles, pseudo-vertiges, instabilité, déviation de la démarche, et j’en passe.

Tout le monde sait qu’en milieu hostile ou inconnu, il est indispensable de se doter d’un contrôle affiné de la posture qui permet d’être à l’écoute de ses appuis -les élargir le cas échéant-, d’autoréguler son équilibre en fonction de ses choix de mouvements afin de favoriser le développement d’une palette de nuances appréciables dans l’expression plastique et visuelle proposée. (c’est la moindre des choses). Il était hors de question de se rendre responsables d’une absence de mouvements prolongée et totale, au risque de provoquer une discontinuité majeure de l’entrée vestibulaire du système.

Dès lors, les artistes feront appel à la dimension cognitive pour trouver une stratégie à partir d’une référence gravitaire verticale et assurer une stabilité dans l’orientation spatiale d’exposition. Ils éviteront les répartitions anormalement asymétriques et basculeront de solutions binaires à des solutions chaotiques quand le besoin s’en fera sentir, tout en maintenant l’activité tonique et de stabilisation des masses corporelles.

Maurin et La Spesa n’étaient pas nés de la dernière pluie : ils avaient connus comme tout un chacun les affres de contraintes mécaniques anormales et répétées, les difficultés dans les articulations d’un axe stratégique, les dérèglements du fonctionnement des entrées et du rendu, et trop souvent les oscillations posturales de la station debout certains soirs au comptoir : en vérité il faut savoir que c’est dans la nature même de la construction du corps humain de favoriser le mouvement plus que la stabilité !

Il s’agira donc dans toutes ces situations délicates de pratiquer le repousser du sol, aidés en cela par le plateau inertiel de guidage (sorte de conseil d’orientation), de garder souplesse et décontraction –pas de rétractions, tensions, ni de tassements inutiles-, de maintenir enfin la posture en dépit des forces contraires et de s’adapter en permanence au rééquilibrage de cette dernière.

La Spesa : Maurin, tu m’as l’air bien endormi pour l’heure ! Besoin d’une déprogrammation posturale ?

Maurin : Détrompe-toi ma chère, tel que tu me vois là, je me déroule en rafale … en prévision d’un auto agrandissement à l’horizontale.

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D’où viens-tu Johnny ?

Maurin et La Spesa mai 2008 // Johnny’s Wetlog: Signature

Un point l’inquiétait pourtant : Maurin & La Spesa étaient-ils conscients que leurs objectifs une fois décrits dans le scénario de départ plutôt utopique faut-il le préciser : organiser avec une petite association peu connue et sans trop de moyens une exposition d’œuvres prestigieuses détenues par des collections publiques ou des galeries parisiennes huppées et ce dans un délai assez court…, ils allaient devoir user de toute leur inventivité pour se sortir de cette situation qu’ils avaient eux-mêmes créée pour être en mesure de proposer de toute façon une exposition en septembre 2007 à la galerie ESCA de Milhaud -c’est-à-dire quelques mois plus tard !?

“La colonne de droite” disaient-ils “ sera un flux irriguant de bas en haut, le dernier article se positionnera ainsi au-dessus des autres, les immergeant dans le marécage des choses anciennes.” Ils utilisaient des images à résonance de Wetland, ce qui laissait deviner qu’ils passaient à ce moment-là leurs journées à arpenter le territoire d’accueil. “ L’accent sera mis sur le processus de création du projet artistique, le public sera témoin semaine après semaine des aléas de sa réalisation même… Nous l’adapterons aux circonstances !” ajoutèrent-ils, ravis de se voir attirés par les tourments de l’imprévisible pour un nouveau cycle de péripéties.

Petit à petit, le drame prenait corps. C’est préférable. Car rien ne déflore une histoire autant que de la raconter tout d’un trait. La bonne histoire consiste en choses à moitié dites… (Tortilla Flat-John Steinbeck)

Par la suite, Elisabeth K. put découvrir comment, par bribes, les 2 artistes rendaient compte de leur(s) exploration(s) : quasi touristique d’abord, le paysage, les noms des lieux, les sons, la gent animale…, et comment ils résistaient à la nostalgie des origines et de l’enfance, puis les échanges avec les institutions culturelles et les professionnels de l’art, censés participer au projet par le prêt des oeuvres et comment ils résistaient ici à tout ressentiment à la réception des réponses négatives ou à l’indifférence des interlocuteurs potentiels.
Il devint bientôt évident que M&LS préféraient jouer à immerger dans un canal de pays le bidon de “Laughing gas” trouvé sur le site de la galerie Loevenbruck à la page Werner Reiterer, histoire d’enclencher un processus de contamination du réel pour enivrer volatiles et ragondins, ou exprimer un irrépressible désir de fuite en détourant les draps noués par Cattelan la veille du vernissage de son exposition au château de Rivera et en les accrochant sur la tour Carbonnière d’Aigues-Mortes, ou encore piquer une critique élogieuse écrite pour Véronique Boudier par Arnaud Labelle-Rojoux dans l’Art Parodic’ et se l’approprier momentanément… Le tout bidouillé bien entendu at home, sur leurs fidèles ordinateurs, accompagnés par des airs de country-cow-boy éternels et libres de droit.
Mais les véritables questions posées resteront entre autres : “L’admiration grandit-elle celui qui admire ?”, “Quoi faire d’une bétaillère pleine de taureaux, si ce n’est une boite à meuh ?”, “C’est quoi être deux ?”, “Pourquoi le bâtisseur de ponts est-il proche du grimpeur de haute montagne ?”, “quel est le dénominateur commun de tous les fans ?” et enfin “de quoi est-il capable, l’homme sans cheval ?”
Elisabeth K. posa un regard apaisé sur son acolyte au travail, et s’accorda un certain sourire.

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D’où viens-tu Johnny ? // En ligne le Johnny’s WetLog//Printemps-Eté 2007 //Avec la complicité de panoplie.org

JohnnyWetLog (capture d’écran)

D’OÙ VIENS-TU JOHNNY ?   Maurin et la Spesa //galerie ESCA / Milhaud – ETE 2007

 

Under the tree

Under the tree

Maurin et La Spesa étaient confortablement allongés sur des chaises longues sous le chêne qui leur procurait une ombre fraîche,  quand le chant des cigales se montra tout-à-coup plus entêtant que jamais. Un brin agacé à présent, Maurin se mit à maugréer. « La Spesa, dis-moi si je me trompe, mais j’ai la ferme impression que malgré tous nos efforts, l’immensité du travail abattu et l’obstination dont nous faisons preuve à l’endroit de l’art contemporain,  nous allons droit dans le mur…. »

« Tu sais bien qu’il ne nous est plus possible de trouver le réconfort dans un pessimisme prophétique… et que seul ce combat quotidien … »

« Peut-être devrions-nous faire face avec les moyens de la concurrence,  produire,   automatiser la production,  lui trouver une forme simple, séduisante, en envahir le territoire, trouver des partenaires,  exposer à 10 endroits en même temps, accaparer les médias…

« Et si on produisait des patates, on pourrait répondre à l’éternelle question –et qu’est-ce que vous faites dans la vie- heu ! je fais des pommes de terre !  Je cultive  !

« Je sais, on va piquer une patate dans le haricot de Viallat,  ce sera un bon slogan publicitaire ! »

«Produire, séduire, cultiver » …

«Déballer, accrocher, exposer »…

Bercés par les mots et les rythmes,  ils s’endormaient…

Leur entreprise, M&LS, trouvait un concessionnaire,  pas trop loin. (les amis de Maurin et la Spesa connaissent leur attachement à éviter les déplacements inutiles*).  Une galerie régionale, une maison de bonne réputation, de vrais partenaires de production et de diffusion, pour installer des bases sérieuses, condition nécessaire à l’extension du projet vers le national voire à l’exportation. Un directeur de Frac,  le délégué aux Arts plastiques de la DRAC, un responsable de centre d’art prestigieux viendrait visiter et comprendrait la formidable détermination des artistes… On les inviterait, on leur mitonnerait des résidences de travail où ils auraient le temps et les moyens nécessaires à des réalisations futures… peut-être un lieu pour continuer à faire connaître d’autres artistes,  créer les conditions pour grandir dans l’expérimentation…

«Maurin,  j’ai entendu une voiture se  garer ! Réveille-toi ! »

«Tiens des visiteurs ? un jour où tout le monde est à la plage ? pour une exposition d’art contemporain ?  Je rêve. »

Maurin et la Spesa
Eté 2002