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les oeuvres sont en réserve

maurin et la spesa voyagent janvier 4, 2010

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« Créer « l’Album de famille » de notre planète… c’est une idée simple et merveilleuse ! s’écriaient les amis de Uwe Ommer*,  » et en plus tu feras le tour du monde !  »  ajoutaient-ils à peine envieux.

 » Pensant qu’ils n’avaient pas tort,  je  suis  donc  parti  » (…)

Les amis de Maurin et La Spesa connaissent leur attachement à rester à leur place, à éviter les déplacements inutiles : ces derniers créent des pollutions de l’air et du silence, ils obligent à une concentration contraignante, à un rapport à autrui critique et insultant, sans compter qu’il faut dormir dans des hôtels et autres lieux pas toujours recommandables …

« La nuit offrant une vie intérieure riche en rebondissements, gardons-nous des sommeils rendus légers par l’insécurité ou le bruit (non habituel) des populations alentour, ainsi que des rythmes différents auxquels nous serions contraints de nous plier. Cela dit en dehors de tout jugement moral, naturellement. » déclarent-ils régulièrement.

Reste le respect  (condition sine qua non d’un voyage optimum) du voyageur pour les traditions locales : rouler prudemment à droite, à gauche ou au milieu, c’est selon, respecter les incisions et ablations corporelles diverses subies par les populations, se réjouir des divertissements cruels et joyeux pur terroir, avec ou sans torture d’animaux (eux-mêmes locaux, malgré tout), subir et porter d’innombrables toasts à la santé et à la réussite de chacun : pas d’alcool, merci, non vraiment, merci, non nous ne voulons pas vous blesser, excusez-nous, pardon, non,  pas d’alcool, non,  même pas un petit, merci, non, (etc.), traiter avec diplomatie tout ce qui porte l’uniforme dans les 5 continents, manger beaucoup et souvent pour ne pas décliner une invitation, tomber en panne, de préférence dans les endroits les plus isolés, trouver des mécaniciens débrouillards et honnêtes, rester bloqué des heures et des jours aux frontières récalcitrantes, éviter d’écraser cyclistes, moutons, chiens et autres piétons, contourner chameaux, buffles et vaches sacrées, éviter de marcher sur des serpents, tenter d’arriver quelque part avant la nuit, demander l’assistance aux maires, prêtres, directeurs d’école, imams et pasteurs, trouver des interprètes et les comprendre, apprendre 3 mots dans toutes sortes de langues et les oublier aussitôt, écoper des déluges, aborder des familles : dans la rue, au restaurant, à l’église, aux champs, à la plage, au golf, par téléphone, au camping, se faire soupçonner d’être voleur d’enfants venu repérer ses futures victimes, obtenir et faire prolonger des visas, se perdre dans la nature, maudire les cartes routières, gagner l’affection d’une bufflesse, regretter de ne pas avoir pu capter les images éphémères vues en passant, promettre de revenir un jour, partout !

Même les rencontres malencontreuses de bandits et voleurs de grands chemins font appel à des notions de courage et de religion un peu dépassées à leurs yeux. Pour le reste, étant donnée la difficulté avec laquelle Maurin et La Spesa se font des amis dans leur milieu naturel, il est peu probable que cela se présente en état de voyage, ou alors ce serait la gratitude pour avoir été secourus ou des malentendus pour cause de langue étrangère….

Uwe raconte qu’il faisait pleurer des petits enfants peu habitués aux « visages pâles » et aux « longs nez » et tentait parfois de faire sourire un éléphant : si Maurin et La Spesa font déjà pleurer les enfants à visages pâles de leur village, par désœuvrement plutôt que par pure méchanceté, ils trouveraient dégradant d’imposer des tics humains à une si grosse bête !

De retour de voyage, il faut ranger la précieuse quête (l’étranger, les étrangers, que sais-je), développer quantité de films en tous genres, et devant cette abondance, cette profusion, ce nombre, il faut accepter toujours un peu plus sa propre petitesse, interchangeable,  accepter que nous sommes « entre autres », rien d’irremplaçable, parmi, étouffés par le tout.

Et comme Uwe rentré sain et sauf 4 ans plus tard avec 1251 portraits de famille, tout surpris par l’hospitalité immense et l’enthousiasme sincère des familles à participer à « l’Album »…. Maurin et La Spesa sont déconcertés par cette bonne volonté qui se lit sur ces portraits de famille trouvés au hasard d’un commerce nîmois. Décidément peu enclins au départ, ils ont trouvés là matière à raconter leur voyage immobile à travers un monde très très peuplé.

Congénies, janvier 2002
* Uwe Ommer est photographe grand voyageur.


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Ce travail a été présenté à l’hôtel des Consuls -Uzès-30 dans l’exposition « What about Love boat » aux bons soins de l’association Artelinea en février 2002. Il était composé de photographies retouchées et disposées sur un mur, et d’un livret contenant le texte ci-dessus mis en page / édition épuisée.

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